Vincent Bounes : “Il faut attirer davantage de jeunes dans les métiers de la santé”

“Attractivité des métiers de l’humain : quelle mobilisation face à la pénurie de professionnels ?”. C’est le thème de la table ronde organisée par la Mutualité Française le 6 décembre de 9h à 10h30 dans les locaux de Midi Libre, à Montpellier. Entretien avec Vincent Bounes, vice-président de la Région Occitanie en charge de la santé.

En quoi les métiers du secteur sanitaire, social et médico-social peuvent-ils être aujourd'hui considérés comme pénuriques dans le territoire ?

Ce phénomène concerne un certain nombre de professions médicales et paramédicales. C’est le cas, en particulier, des médecins généralistes. Proportionnellement à la population, ces derniers sont aujourd’hui 30 % moins nombreux qu’il y a vingt ans. Et la situation va malheureusement continuer à se dégrader, puisqu’en Occitanie, par exemple, on considère que 30 % des médecins généralistes vont partir à la retraite dans les cinq prochaines années. Résultat : en France, 11 % des habitants n’ont pas de médecin traitant et 15 % des gens ne se soignent pas à cause d’une absence de praticiens disponibles à proximité.

Comment expliquer ce manque de professionnels ?

Tout d’abord, certains métiers attirent beaucoup moins qu’avant. Je pense aux sages-femmes, par exemple. Mais même quand l’attractivité est là, ça ne suffit pas… Prenez le métier d’infirmier, qui est le plus demandé sur Parcoursup. Or, la durée de vie professionnelle d’un infirmier est seulement d’une dizaine d’années. Donc le métier attire, mais l’exercice professionnel, lui, ne dure pas. J’y vois une certaine forme de désillusion. Par ailleurs, aujourd’hui, la majorité des médecins ne s’installent pas en libéral dans les cinq ans qui suivent leur diplôme. Ils font des remplacements, certains se réorientent… Il y a un problème d’incitativité à l’installation. Or, je pense qu’il serait possible de trouver des solutions simples, comme certains pays l’ont fait, pour demander aux médecins de rendre un peu de ce qui leur a été donné. Car si la formation ne leur coûte rien, elle coûte cher à l’Etat. Il faudrait pouvoir exercer une contrainte raisonnée favorisant leur installation.

La question, dans ces métiers de l'humain au sens large, n'est donc pas celle d'un déficit de formation ?

Non, car l’offre de formation est là. Mais dans certaines filières, on manque de candidats. Il faut rendre ces métiers plus visibles, rappeler que ce sont des professions sans chômage et – surtout – qui ont du sens. Certaines formations sont courtes et d’autres beaucoup plus longues ; le spectre est large. Mais c’est un panel que les jeunes ne connaissent pas assez.

La crise sanitaire a clairement mis en exergue le manque d'attractivité du secteur. Le sujet de la rémunération est-il déterminant ?

C’est un facteur, notamment pour certaines professions – comme les infirmiers – qui sont en effet sous-payées. Mais l’essentiel n’est pas là, à mon sens. En réalité, la nouvelle génération a des aspirations différentes. Ce que je dis là n’est pas un jugement de valeur, c’est un fait.

C'est-à-dire ?

C’est simple : tandis que le nombre de médecins salariés augmente, le nombre de médecins libéraux baisse. La jeune génération s’engage moins dans la durée. Les nouveaux médecins veulent davantage de liberté et, pour certains d’entre eux, moins de contraintes. Au fond, ils entendent exercer leur mission différemment. Il faut s’adapter à cette nouvelle donne en formant davantage de praticiens. Mais évidemment, tout cela prend du temps ! Nous ne devrions retrouver une couverture médicale satisfaisante qu’en 2037.

Comment mieux valoriser l'utilité sociale de ces métiers ?

En multipliant les centres de santé pluri-professionnels, par exemple. Dans cette optique, la Région Occitanie a lancé il y a six mois avec ses partenaires le projet Ma santé, ma région, qui vise à recruter des médecins et des professionnels de santé dans les territoires où on en manque. Nous les salarions, avec pour objectif d’ouvrir un centre de santé pluri-professionnel par mois. Le format attire beaucoup les jeunes médecins. A la fin du mandat, nous devrions avoir ouvert entre 60 et 70 centres, avec environ 200 praticiens sous contrat. On parle ici de filières de soin, de prévention, de formation. Cette complémentarité entre les métiers redonne du sens aux nouvelles générations. C’est ce que veulent les jeunes.

Quelles autres actions menez-vous pour soutenir la filière et son attractivité ?

Au-delà de Ma santé, ma région, la Région Occitanie travaille sur la formation en santé, au travers de la création de 1 500 places supplémentaires depuis 2019. Nous soutenons par ailleurs l’hôpital public et les établissements d’enseignement de santé via un plan de 133 millions d’euros. De même, nous nous tournons vers les jeunes afin de les pousser en conscience vers ces métiers. Notre objectif est de former en Occitanie des personnes qui travailleront demain en Occitanie. A ce titre, la Région organise prochainement dans les Hôtels de Région de Toulouse (les 2 et 3 décembre) et de Montpellier (les 9 et 10 décembre) les Rencontres de la santé et du médico-social. Le but est de faire connaître aux jeunes et aux personnes en recherche d’emploi les différentes formations qui existent dans le territoire, en leur permettant de rencontrer des professionnels. C’est un double mouvement : nous souhaitons à la fois attirer davantage de jeunes et réduire les taux d’abandon.

Une table ronde pour en parler

La Mutualité Française organise une table ronde dans les locaux de Midi Libre, à Montpellier, le 6 décembre prochain, de 9 heures à 10h30, sur le thème : Attractivité des métiers de l’humain : quelle mobilisation face à la pénurie de professionnels ?. La conférence permettra d’entendre les points de vue de Vincent Bounes, vice-président de la Région Occitanie en charge de la santé, Elodie Brun-Mandon, conseillère municipale à la mairie de Montpellier, déléguée à la Santé, la prévention et la lutte contre les addictions, et Michel Couhert, directeur de l’offre de soins, de l’autonomie et des parcours à la Mutualité Française.

Renseignements et inscriptions en cliquant ici !

Article paru le 19/11/2022 sur midilibre.fr