La Famille Bélier : support aux débats sur le handicap auditif sous un autre angle

Se servir d’un film pour aborder des sujets trop souvent mis de côté, telle est l’ambition des «rencontres santé» organisées par la Mutualité Française Languedoc Roussillon, avec les centres Audition Mutualiste de Mutualité Française Gard, les associations ARIEDA, Paul Bouvier, SURDI 30, lors de cinés-débats autour du désormais célèbre La Famille Bélier, les 20 et 31 janvier derniers à Alès et Nîmes.

315 personnes sourdes, malentendantes, entendantes

Les rencontres santé, gratuites et ouvertes à tous, ont eu un grand succès, avec à Alès au cinéma Les Arcades, 90 personnes présentes, dont 40 % déficientes auditives et à Nîmes, au Forum Kinépolis 255 personnes présentes dont plus de 60 % de déficients auditifs.

Ce film traite directement d’un handicap encore trop souvent marginalisé et stigmatisé : celui de la surdité. Parmi les « entendants » présents, une grande majorité avait un lien plus ou moins direct avec le handicap. En effet, sont venus des membres de la MDPH, du Conseil Général PAPH, des infirmières scolaires très impliquées dans ce domaine, des enseignants de sections spécialisées, des chargés d’accueil à la CPAM, et enfin des parents, conjoints ou enfants de personnes déficientes auditives.

Garder une trace fidèle des débats : audiotranscription et interprètes en langue des signes

Dans le but de garder une trace fidèle de cet événement, et pour que l’ensemble des déficients auditifs puissent également participer au débat, le « messageur à distance » de la SCOP, Samuel POULINGUE, a retranscrit en direct, sur l’écran, tout ce qui a pu se dire. Deux traducteurs, Stéphanie et Bernard, interprètes en langue des signes étaient également présents et ont permis aux sourds « signants » de s’exprimer librement. 
En somme, tout a été mis en œuvre pour que chacun puisse donner librement son avis et que la barrière invisible présente entre sourds / malentendants et entendants soit brisée.

Alors, dans la famille Bélier tout le monde est sourd sauf Paula ! …seule entendante dans cette famille entière de sourds signants (c’est à dire de sourds qui utilisent la langue des signes ; on dit alors qu’ils « signent »).
Ce petit équilibre dans lequel chacun y trouve (plus ou moins) son compte sera vite remis en question lorsque Paula se découvrira une passion soudaine pour le chant, et souhaitera alors intégrer une prestigieuse école à Paris.

Ce film traite donc de la surdité et de l’éventuelle marginalisation des sourds ou malentendants, ainsi que leur insertion dans la société. Une première question peut alors spontanément porter à débat : « Tout ceci est-il normal ? ». Très vite, d’autres problématiques y sont aussi soulevées : « Comment, en tant que jeune fille non handicapée, assumer le rôle de médium direct entre sa famille et le reste du monde ? Comment, en tant que parents sourds, protéger ses enfants du handicap (qu’ils en souffrent directement, ou indirectement) tout en ne le diabolisant pas ?

Lors de la projection à Alès, le débat et les réactions du public ont porté sur l’aspect médical et « pragmatique » du handicap : Peut-on appareiller un enfant dès son plus jeune âge si il naît sourd ? Des parents tous deux sourds peuvent-ils mettre au monde un enfant entendant ? Un enfant sourd, à son tour, pourrait-il mettre au monde un enfant entendant si son partenaire l’est aussi ? 
Les professionnels de l’ARIEDA, de Paul Bouvier, les audioprothésistes d’Audition Mutualiste, ou les bénévoles de Surdi 30, ont répondu à ces diverses questions.

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Comprendre la différence entre sourds et malentendants

Le public généraliste a pris conscience de la différence manifeste entre une personne sourde ou malentendante et en contraste avec une personne entendante.

Situation qui s’est reproduite lors de la projection à Nîmes, où dès les premières minutes du débat suivant la fin de la projection, une personne atteinte de surdité sévère a souhaité confirmer que le handicap se vivait bel et bien comme il était dépeint dans le film, et qu’il était important de mettre le doigt dessus. 
Même si, de nos jours, les interprètes se popularisent et deviennent de véritables piliers pour des familles entièrement sourdes ou malentendantes, ce témoignage vient appuyer l’argument qui consiste à envisager la famille directe comme le premier soutien vers lequel se tournent les personnes atteintes de handicap ; et les conséquences de ce soutien quotidien à apporter.

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Les sourds doivent-ils s’adapter aux entendants ? Ou l’inverse ?

Doit-on systématiquement appareiller une personne souffrant de surdité, ou peut-on tenter de s’adapter à sa surdité ?

Autant de questions ouvertes, probablement dues à une scène marquante du film qui a permis au public « entendant » de se familiariser au handicap en étant projeté directement dans le vif du sujet, «en entendant comme une personne sourde».
Pour conclure, ces projections débats ont eu l’effet escompté : Faire découvrir le handicap auditif sous un autre angle, et faire participer et réagir un public tant entendant que malentendant et sourd.

Pour mieux connaître les actions des associations ARIEDACrop-Paul BouvierSURDI 30 et les centres Audition Mutualiste 

 

Quelques témoignages… 

Pierre (45 ans) : Je ne sais plus que dire sinon que j’ai honte de ne pas avoir porté plus d’attention aux personnes handicapées que je croise , je ne me rendais pas compte, c’est un vrai bouleversement… Merci à la Mutualité de nous avoir fait découvrir un monde méconnu. 

Clémence (20 ans) : suis fille de parents sourds, j’ai vu ma vie défiler à l’écran, j’ai beaucoup pleuré et heureusement beaucoup ri, comme dans ma vie de tous les jours, je suis très contente que toutes les personnes dans la salle ait pris connaissance et sans doute conscience de ce qu’est la vie des gens sourds et des personnes qui les entourent mes parents avaient l’air très heureux et mon père a pu s’exprimer , Merci !

Maxime (14 ans) : J’ai kiffé, Louane elle est top, je l’aimais bien avant, je l’aime encore plus maintenant, dommage qu’elle était pas là… mais je suis content car avec mes copains on a pu être au cinéma avec les autres et là plus de différence car on a pu parler , il faudrait que ce soit souvent comme ça ! 

Renée (64 ans, malentendante) : Il y avait au moins 10 ans que je n’étais pas allée au cinéma et là, c’était extra car on a pu voir le film mais aussi discuter de notre vie, les personnes non handicapées ont pu mieux comprendre ce que nous vivons  , s’il y a une formation comme ça  a été annoncé pour le secourisme, je veux la faire , il y a longtemps que j’attends ça. Je suis très heureuse que ma mutuelle ait permis ça. 

Claude et Michelle (sourds tous les deux et venus de loin) : Merci de nous avoir donné la parole et nous permettre d’être à armes égales avec les entendants pour pouvoir dire à tous ce que nous vivons, comme notre quotidien est compliqué même si nous avons aujourd’hui beaucoup d’aides mais comme dans le film, moi et mon épouse (sourde aussi) nous faisons appel trop souvent à nos filles, les 2 entendantes pour nous accompagner mais nous sommes heureux quelles soient entendantes !

Carole (36 ans, infirmière scolaire) : Ce serait tellement bien que ce style de débat puisse avoir lieu là où les enfants malentendants sont confrontés parfois aux moqueries des enfants entendants, une vraie leçon, c’est une belle initiative , jamais vu ça auparavant Merci à la Mutualité !

Thierry (66 ans) : Je suis venu pour accompagner mon épouse mais sans trop savoir.. je suis ébahi par la technique de télétransciption, par l’interprétariat en langue des signes , je me rends compte des difficultés qu’ont les personnes sourdes à vivre en société. Je pense qu’elles doivent être heureuses d’avoir pu s’exprimer ainsi, et on a appris tant de choses. Belle initiative mais d’autres pourraient le faire aussi, non ? ou manque-t-il un réel intérêt pour cette cause ?