“Grand âge et autonomie : il est temps de relever le défi !” Le 25 mars, de 8h30 à 10 heures, la Mutualité Française Occitanie organise une table-ronde en ligne sur ce thème. Interview de Marie-Anne Montchamp, ancienne secrétaire d’Etat et actuelle présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), qui interviendra lors du débat.
Quels sont selon vous les grands enjeux liés au vieillissement de la population ?
Le vieillissement de la population française suit le même mouvement que celui de la population européenne et, plus largement, que celui de l’hémisphère nord. Les conséquences de ce phénomène sont à la fois multiples et considérables. Car derrière cette courbe démographique, il y a des enjeux d’anticipation et d’adaptation de notre modèle de protection sociale. La situation est la suivante : nous sommes face à une population active qui – en proportion – se réduit, et à une population de retraités qui s’accroît, en même temps que l’espérance de vie augmente. Par conséquent, on reste de plus en plus longtemps à la retraite, bénéficiant de façon plus durable de la protection sociale. Cela entraîne naturellement des conséquences dans les grands équilibres financiers publics. Tous les territoires, cependant, ne sont pas dans la même situation. Ceux dont la population est actuellement la plus âgée pourraient faire face à un certain rajeunissement dans les années à venir, tandis que les zones les plus “jeunes” vont mécaniquement vieillir. Et au sein d’une même ce n’est pas tout : la crise nous a montré à quel point les modes de vie pouvaient être impactés de façon différente en fonction de l’âge.
C’est-à-dire ?
On a vu malheureusement que les personnes âgées – qui sont pourtant des citoyens à part entière, je le rappelle – ont parfois été oubliées. On leur a appliqué des mesures de protection sans les inviter à exprimer leurs choix. Ces personnes sont pour certaines maintenues dans leurs chambres, privées de contacts réguliers avec leurs proches, ce qui est inacceptable sur le plan éthique. La crise sanitaire a montré que les gens veulent vieillir chez eux et que le modèle actuel, que l’on feignait de ne pas voir, était, au fond, dépassé. D’urgence, il faut en inventer un autre, en prenant en compte les diversités territoriales.
Quels leviers peut-on activer pour maintenir l’autonomie des personnes âgées et retarder leur entrée dans la dépendance ?
Une cinquième branche de la protection sociale vient de voir le jour, dont l’objet, précisément, est la vie autonome. Et ça, c’est très important ! Pour l’heure, c’est une réponse théorique, institutionnelle. Mais cette première brique est majeure. Ensuite, c’est toute une culture qu’il faudra partager avec la population, sur cette question de l’autonomie. Avec, au coeur du sujet, l’affirmation que la personne âgée – tout comme la personne en situation de handicap, d’ailleurs – est un citoyen comme un autre. Dans notre société contemporaine, les coups du sort peuvent prendre plusieurs formes. En cas de pandémie ou de risques environnementaux, les plus fragiles sont les plus impactés. Il faut donc faire pour l’autonomie ce que nous faisons pour le climat : que chaque décision politique vienne en amont interroger son impact sur l’autonomie.
La question du financement est évidemment stratégique...
Absolument. C’est la raison pour laquelle la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), que je préside, va remettre en mars un rapport sur cette question. Nous devons raisonner différemment, sortir de la 2D pour passer en 3D, d’une certaine manière. Toutes les politiques publiques doivent s’y mettre. Et dans ce cadre, les territoires vont jouer un rôle décisif. Car on vieillit quelque part. Et vieillir à Toulouse ou dans le Lot, par exemple, ce n’est pas la même chose. Les réponses doivent être adaptées territorialement. C’est collectivement que nous pourrons atteindre nos objectifs, dans la perspective du premier “choc” de vieillissement, attendu pour 2030.
Comment soutenir, de votre point de vue, le front de l’aide à domicile ?
Il faut réfléchir au modèle que nous voulons. Aujourd’hui, la population veut vieillir à domicile. Il faut par conséquent se poser la question des solutions permettant aux gens de mieux vivre chez eux. Dès lors que l’on opte pour le modèle “domiciliaire”, l’aide à domicile est la première des solutions. Car elle permet à la fois de mener à bien les actions de tous les jours, mais aussi de conserver un contact avec l’extérieur, de garder un lien social. Or, ce recours est fragile. Car ce secteur est constitué d’une myriade d’acteurs aux profils très différents. On y trouve des entreprises privées, des structures publiques, des associations… Tous n’ont pas la même solidité. Nous avons ainsi déploré le fait que le Ségur de la Santé provoque d’une certaine manière un choc concurrentiel entre ces acteurs. Certains ont en effet bénéficié d’une revalorisation salariale et d’autres non. Cela pose question. Comment s’assurer que ces acteurs soient soutenus comme ils le doivent, que les rémunérations augmentent ? Nous faisons face à un mouvement de découragement. Certaines aides à domicile renoncent, quittent leurs emplois. Et il devient très difficile de recruter. Or, il en faudra 200 000 de plus d’ici à 2030, ce qui est considérable ! Il importe par conséquent de consolider les structures du secteur.
L’e-santé peut-elle constituer un levier d’action ?
Bien sûr, c’est un complément de réponse. Tout ce qui peut contribuer à accompagner les personnes, en leur permettant par exemple de consulter un médecin à distance, depuis leur domicile, est positif. C’est du gain de temps et de capacité. Mais attention : la dimension présentielle, celle du lien social, est absolument irremplaçable. Car c’est cela, la vie ! Il faut par conséquent faire en sorte que cette fonction présentielle soit rendue possible. Et ce, en complémentarité avec les aidants familiaux, qui ne doivent pas être cantonnés à des tâches techniques, mais doivent pouvoir être disponibles pour le lien social et affectif.
Matinée-débat en ligne « Grand âge et autonomie, il est temps de relever le défi ! »