“Sommeil et nutrition : le duo pour être en forme”. Le 6 mai, la Mutualité Française Occitanie et la ville de Montpellier ont organisé une conférence en ligne sur ce thème. Interview du Dr Pierre-Alexis Geoffroy, psychiatre, médecin du sommeil et neuroscientifique à l’Inserm, qui est intervenu lors du débat.
Quelle est l'importance du sommeil dans notre équilibre physique et psychologique ?
Le sommeil a une importance vitale ! N’oublions pas que toutes les espèces dorment. Y compris les oiseaux migrateurs qui, lorsqu’ils doivent parcourir de longues distances, endorment une moitié de leur cerveau, puis l’autre, afin de pouvoir continuer à voler. Nous avons besoin de sommeil. C’est un processus indispensable pour la récupération au sens métabolique du terme, mais aussi pour la mémoire et les défenses immunitaires. Il est également très important pour la bonne marche des fonctions endocriniennes, et notamment la croissance du développement neurologique.
Par ailleurs, le sommeil joue un rôle majeur dans la bonne santé mentale, la régulation de l’humeur et le bien-être psychique. Avoir un mauvais sommeil peut entraîner des troubles, de l’anxiété, voire des dépressions.
Comment le sommeil évolue-t-il au cours de nos vies ?
En réalité, il se mature tout au long de notre existence. Il faut comprendre que lorsque l’on parle de sommeil, on parle de la conjonction d’un sommeil basé sur les rythmes naturels – la fameuse horloge biologique qui nous synchronise avec l’environnement, et notamment la lumière – et d’une pression de sommeil, qui va augmenter au fur et à mesure de la journée. Les choses évoluent en fonction de nos âges. Chez les adolescents, le sommeil va ainsi être décalé vers le soir, tandis que les personnes âgées auront tendance à se lever de plus en plus tôt.
Quelles sont les causes d'un mauvais sommeil ?
C’est un fait : alors que l’on devrait dormir, en moyenne, entre sept et huit heures par jour, on ne dort que cinq à six heures. Ça n’a jamais été aussi peu. Ce phénomène est lié à deux grands types de facteurs. Tout d’abord, les facteurs socio-professionnels : il y a dans notre société une grosse pression sur le sommeil. Et puis il y a des facteurs “maladies”, qu’il s’agisse des apnées du sommeil, des phénomènes neurologiques, des insomnies, des parasomnies (somnambulisme, cauchemars, terreurs nocturnes…). Mal dormir peut engendrer des risques supplémentaires de maladies cardiovasculaires, de cancers, d’addictions et de troubles psychiatriques.
La période actuelle, particulièrement anxiogène, aggrave-t-elle le phénomène ?
Malheureusement oui, car nous dormons moins bien. Une étude récente, que nous avons menée, démontre que 60 % des Français voient leur sommeil altéré depuis le début de la crise sanitaire. Pour la moitié, ils ont modifié le rythme de leur sommeil. 10 % d’entre eux ont même retardé leur phase d’endormissement de trois heures ! C’est considérable. Ce sont des personnes qui se sont désynchronisées, en s’extrayant des rythmes naturels. Il y a par ailleurs parfois un cercle vicieux qui se met en marche : le stress altère le sommeil et le manque de sommeil engendre du stress.
Les écrans empêchent-ils les enfants de bien dormir ? Quelles sont vos préconisations, en la matière ?
Oui, c’est un fait désormais établi. On conseille ainsi aux enfants de ne pas utiliser d’écran dans les deux heures précédant le coucher. Car la lumière du spectre bleu inhibe la sécrétion de mélatonine, l’hormone de la nuit. Dans la journée, en revanche, il faut aller chercher le soleil. Car on en a besoin.
Comment améliorer son sommeil ?
Je conseille à ceux qui s’intéressent à ce sujet de consulter les recommandations publiées sur https://www.afpbn.org/sections/sopsy/. Globalement, je dirais que, notamment dans la période que nous traversons actuellement, nous avons besoin de “rythmes entraînés”. Il ne faut pas trop décaler l’heure du lever, y compris le week-end. Même chose pour les heures de repas et les activités sportives, qui doivent être fixes. La chambre doit être à bonne température – entre 18 et 22°C -, obscure et silencieuse. Eviter le café et le thé après 16 heures et, si possible, se déconnecter de l’information en continu, qui peut être particulièrement anxiogène.
Comment l'alimentation peut agir sur notre sommeil ?
C’est un facteur-clé de notre sommeil. Là encore, les conseils sont de bon sens : ne pas sauter de repas, manger léger le soir, ne pas grignoter et surtout garder des rythmes de repas réguliers.
Propos recueillis par Alexandre Leoty pour Midi Libre