En juin dernier, la Mutualité Française formulait 10 propositions et publiait un observatoire, pour faire progresser la prise en charge des patients qui souffrent de troubles psychiques.
Après avoir annoncé en mars la prise en charge des consultations des psychologues à hauteur de 4 séances, elle apporte sa contribution au débat public et lors des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie qui se sont tenues les 27 et 28 septembre.
La pandémie a joué sur le moral des Français
La santé mentale des Français s’est dégradée avec la crise sanitaire. D’après un sondage Harris Interactive pour la Mutualité Française, 95 à 97 % des médecins généralistes, psychiatres et psychologues ont fait le constat net et partagé d’une augmentation des consultations pour anxiété, sentiment d’isolement, état dépressif et troubles du sommeil en 2020.
C’est donc un enjeu majeur, alors que la santé mentale est considérée comme « le parent pauvre » des politiques de santé publique. Les mutuelles se mobilisent. Pour rappel, elles se sont engagées en mars 2021 à rembourser 4 séances par an avec un psychologue, dans la limite de 60 euros par séance, dès le premier euro facturé au patient.
Un plan d'urgence annoncé
Lors des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, Emmanuel Macron a annoncé un plan d’urgence pour venir au secours d’une « psychiatrie publique sinistrée », dont voici les principales mesures :
• La prise en charge des consultations de psychologues par l’Assurance maladie, avec un forfait de 10 séances, renouvelable une fois.
• 1,9 milliard d’euros dégagés pour les cinq années à venir.
• Des ouvertures de lits, hors « Ségur de la santé ».
• Une meilleure reconnaissance du rôle des infirmiers spécialisés en psychiatrie ainsi que la création de 500 postes en 2022, en ville et en établissement.
• Un renfort de personnels non- médicaux dans ¼ des CMP*, afin de lutter contre les « délais insupportables » (soit 800 créations de postes à partir de l’année prochaine).
• La création d’une 40e de maisons des adolescents, afin qu’il y en ait une au moins dans chaque département.
• Un investissement de 80 millions d’euros dans la recherche.
Les mutuelles sur le front !
Les mutuelles s’engagent au sein même de leurs établissements par la prise en charge des patients. Rencontre avec le Dr HELIAS, Psychiatre Médecin Chef à l’établissement de santé mentale MGEN de Toulouse.
Quelle est votre perception sur la situation actuelle du secteur ?
L’épidémie de covid-19 a mis un coup de projecteur sur la fragilité du service public hospitalier dont le secteur psychiatrique, pourtant censé prendre en charge ces troubles dont souffrent actuellement 13 millions de Français. L’annonce du confinement de 2020 marquait l’anniversaire du mouvement de grève des urgences publiques. Cela fait plusieurs années que les rapports se succèdent avec le même constat : la psychiatrie est malmenée. Mais les restrictions budgétaires continuent et la pénurie de soignants amène à une déshumanisation du soin, qui en affecte grandement sa qualité pour les patients, et ce malgré l’engagement constant des soignants soumis à des conditions de travail de plus en plus délétères.
Les patients reçus à l’hôpital de jour ont globalement bien « supporté » le confinement de 2020. Mais nous avons maintenant accès à l’expression de leur souffrance, dans « l’après coup » et ce quel que soit leur profil. Entre la peur panique de ne plus pouvoir accéder aux soins et un vécu traumatique de l’isolement social, un sentiment d’insécurité émerge de cette période. Il ne s’agit pas de délinquance mais c’est la sécurité psychique qui a été entamée par ces dernières années.
Quelles sont les initiatives menées au sein de votre établissement ?
L’établissement de santé mentale MGEN de Toulouse est une structure de soin spécialisée, alternative à une prise en charge à temps plein. Nous travaillons en partenariat étroit avec les psychiatres traitants. C’est grâce au travail de l’équipe pluridisciplinaire (psychiatres, infirmiers, psychologues, psychomotricienne, éducateurs d’art thérapie, assistante sociale) que les patients viennent trouver une fonction d’accueil à l’hôpital de jour. Ils font dans ces murs leurs expériences sociales (groupes thérapeutiques médiatisés et collectif interstitiel) dans le milieu protégé du soin.
Nous avons la chance d’avoir des moyens suffisants et avons pu nous adapter rapidement à la crise sanitaire. Notre fonctionnement a dû être revu durant la phase de déconfinement en modifiant notamment les durées de prise en charge des patients par ½ journée pour limiter la multiplicité de contacts. Les patients ont bien accepté ces changements. Nous espérons actuellement pouvoir remettre en place les réunions soignants-soignés, essentielles au fonctionnement de l’institution et à un collectif vivant et qui regroupent entre 30 à 50 personnes.
Selon vous, quels leviers pourraient être engagés en termes de politique de santé publique ?
Le détricotage de la psychiatrie publique de secteur au profit de prises en charge « innovantes » ou centrées sur des pathologies spécifiques (centres ressources divers : troubles des conduites alimentaire, dépression…) est plus que regrettable.
Les CMP* avaient pour vocation de proposer un soin de psychiatrie générale, adapté à la situation de chaque patient, tout en prenant en compte la globalité de la personne grâce au principe de pluridisciplinarité (psychiatre, infirmier, psychologue et assistante sociale). Entièrement pris en charge par la Sécurité sociale, ces soins de premiers recours devraient être densifiés au contraire de ce que l’on observe en réalité. Le rôle du secteur est essentiel en matière de prévention et les fortes tensions auxquels ils sont soumis dégradent clairement la continuité des soins.
C’est le maillage de terrain qui fait la valeur ajoutée de la psychiatrie et la crise du covid-19 a aggravé la situation, car elle a touché à cette force, déjà mise à mal ces dernières années.