La retraite : comment gérer au mieux cette nouvelle étape de sa vie ?
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Interview
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16 septembre 2021
“En route pour la retraite !” : c’est l’intitulé de l’action menée dans le Gard, du 27 septembre au 25 octobre, par la Mutualité Française Occitanie en partenariat avec la Carsat Languedoc-Roussillon et le pôle promotion de la Ville de Nîmes. Entretien avec Line Chapelier, la psychologue qui animera les différents temps d’échange.
Que signifie “prendre sa retraite”, aujourd’hui, dans l’inconscient collectif ?
En réalité, ce moment très particulier est porteur de paradoxes. Car la retraite est à la fois perçue comme un moment de liberté et de craintes. D’un côté, à la retraite, on gagne un temps que l’on n’avait pas forcément auparavant. Mais d’un autre côté, il y a des inconnues et des peurs.
Les perspectives ne sont pas les mêmes aujourd’hui qu’il y a un demi-siècle, lorsque le temps de retraite n’était que de cinq ou dix ans...
C’est vrai, les choses ont beaucoup évolué de ce point de vue. Lorsque l’on prend sa retraite aujourd’hui, on peut avoir trente ans, voire quarante ans devant soi. D’une certaine manière, c’est vertigineux. C’est une véritable phase nouvelle de la vie qui s’ouvre. On peut la comparer à l’adolescence, qui marque le passage entre l’enfance et la vie adulte. Ces moments sont souvent marqués par un processus de deuil. On passe à autre chose. Notre identité est modifiée. Des questions se posent. Qui suis-je ? Comment vais-je me définir dans cette période où le statut social, le rapport au travail n’est plus là ?
Quels espoirs suscite cette nouvelle étape de la vie ?
Le premier espoir qui est exprimé est souvent lié au temps libre. Lorsque l’on arrive à l’âge de la retraite, on peut s’occuper de sa famille, voyager, se consacrer à des loisirs… Mais c’est aussi un moment où l’on gagne en contrôle, sans les contraintes hiérarchiques liées à l’environnement de travail. On peut nourrir sa vie sociale, faire des choses que l’on n’avait pas le temps de faire durant sa vie professionnelle. C’est aussi le moment où l’on va pouvoir s’occuper de soi, de sa santé, de son bien-être.
Mais c’est également une période de doutes, de perte de repères...
C’est vrai. La première question qui se pose est celle de la santé. Prendre sa retraite, c’est entrer dans la dernière étape de sa vie avec, tout au bout, le point final. Cette période peut par conséquent être très anxiogène. On peut avoir peur de la maladie, de la dépendance, mais aussi de perdre son conjoint. D’autres craintes peuvent émerger, comme celle de l’isolement social. Si l’on n’a pas tissé de réseau amical en dehors du cadre professionnel, le passage peut en effet être difficile. Il ne faut pas négliger, par ailleurs, la crainte de l’ennui. Certains n’ont pas nourri auparavant de réels centres d’intérêts. Au moment de la retraite, les personnes les moins sociables, les moins créatives aussi, auront davantage tendance à s’isoler. De même, le rapport au temps se modifie. Avant, la vie était rythmée par les horaires de travail, les week-ends, les congés… Ce n’est plus le cas. Face au risque de déstabilisation, il convient de se créer un nouveau rythme. Mais attention à la surcharge de l’emploi du temps ! Certains, parfois pour “rattraper le temps perdu”, veulent tout faire. Il y a parfois un vertige autour de ce temps à remplir. Il faut veiller à ne pas s’épuiser, à ne pas se perdre dans un rythme effréné. Dans tous les cas, il me semble important de réfléchir en amont à la façon dont on pourra s’inscrire de temps libre.
En quoi les bouleversements liés à la retraite peuvent-ils altérer la vision de soi ?
La vision que l’on a de soi, mais aussi celle que les autres nous renvoient, évolue. Nous vivons dans une société obsédée par le jeunisme et la compétitivité. Lorsque l’on arrive à l’âge de la retraite, on peut se sentir “inutile”, en marge. On n’est plus reconnu pour son statut professionnel. Dans ce contexte, la question de la perte de sens se pose souvent. Qui suis-je vraiment ? Quelle est ma place ? Au sein de la famille, les rôles évoluent. Les enfants commencent à prendre le dessus. On quitte progressivement le statut d’adulte. Pour traverser ce cap identitaire, il importe de trouver les bonnes ressources intérieures.
C’est aussi une période de bilan...
Absolument ! Ce sont des questions qui se posent très souvent : qu’ai-je fait de ma vie ? Et bien sûr : que me reste-t-il à accomplir ? Comme toutes les périodes de transition, la retraite est marquée par des rituels de passage : le retrait, le bilan par rapport aux pertes et, enfin, la renaissance.
Vous évoquez les pertes. La crainte de pertes financières est très importante, au moment de la retraite...
C’est vrai. L’aspect financier fait partie des grandes craintes. Car il a un impact sur le confort de vie, pour certains de façon très conséquente. Cela joue aussi sur l’estime de soi, d’ailleurs…
En cette période de Covid-19, un sentiment particulier de “gachi” anime-t-il les nouveaux retraités ?
Je ne sais pas si ce sentiment est vraiment plus fort chez les retraités que dans le reste de la population. En réalité, tout le monde ressent ce “gachi”. Mais il est vrai que les choses seront vécues différemment selon les personnes. Ceux qui auront su “profiter” de chaque moment de leur vie, sans attendre la retraite, n’auront pas le même point de vue que les autres, sans doute. Cette période que nous traversons, chacun la ressent à sa façon, en fonction de ses propres peurs. Cela touche l’intime.
Tout d’abord, prendre soin de sa santé commence bien avant la retraite. Il faut au maximum se détacher des choses toxiques et éviter le stress, même si c’est difficile dans nos sociétés modernes. Il faut se concentrer sur ce qui nous fait du bien. Cette question s’inscrit dans un continuum. Avoir une bonne hygiène de vie, faire de l’exercice, tout cela est important. Mais il est également nécessaire de rechercher un équilibre, une harmonie, entre le bien-être physique, psychologique, relationnel et social. N’oublions pas, enfin, que la retraite est le moment où se posent les premières questions liées aux craintes de perte d’autonomie, de dépendance.
La question du lien social est absolument centrale. Certains retraités souffrent de solitude, parce qu’ils n’ont pas de famille, parce qu’ils ont perdu leurs conjoints… D’autres ressentent tout simplement le besoin de s’occuper. Dans ce contexte, le monde associatif, le bénévolat en particulier, constitue une source de rencontres, mais aussi la possibilité de se rendre utile. Les loisirs ne sont pas non plus à négliger. Se mettre à la peinture, jouer à la pétanque… Tout cela permet de conserver du lien, tout comme les voyages, qui ouvrent à d’autres cultures. On peut également s’occuper de ses petits-enfants. Dans tous les cas, il s’agit d’être dans le “faire”. Car la société nous définit aussi par ce que l’on fait.
Interview parue dans Midi Libre le 14/09/21