La nouvelle organisation sanitaire : promesses et dangers

L’Agence Régionale de Santé Midi-Pyrénées a effectué un nouveau découpage de la carte sanitaire régionale en huit territoires de santé et trente-trois « bassins de santé ». Issu du projet « Hôpital, Patient, Santé Territoire » ce réaménagement qui a pour but de définir des secteurs de santé plus pertinents à la vue des besoins locaux, ne répond pas totalement aux exigences qualitatives de l’offre de soins de notre région.

Interview Pierre-Jean Gracia
Président de la Mutualité Française Midi-Pyrénées

Que pensez-vous de cette nouvelle répartition ?

Les territoires de santé qui ont été définis ne sont qu’un découpage départemental. Cette répartition n’apporte pas d’avancées majeures et restreint la démocratie sanitaire des conférences de territoires notamment en Haute-Garonne qui possédait précédemment 6 territoires de santé.

Concernant la création des bassins de santé au nombre trop important de 33, leur localisation se fonde sur les établissements déjà existants avec le souci supposé de maintenir une offre de soins de proximité.

Or, l’avis de la conférence de territoire du Tarn n’a pas été suivi quant à l’inutilité du bassin de santé  rattaché à l’hôpital de Lavaur qui pouvait se répartir entre  Albi et Castres.

Peut-on considérer alors que ce bassin soit véritablement une réponse aux besoins de cette zone ?

La Haute-Garonne affiche 11 bassins de santé dont 9 sont concentrés sur le Grand Toulouse.

Quelle cohérence y aura-t-il dans cette répartition très dense ?

Plus préoccupants, sont les bassins de santé où l’établissement pivot est un établissement privé lucratif (6 en Haute-Garonne, 1 dans les Haute-Pyrénées, le Tarn et le Tarn et Garonne), pratiquant généralement les dépassements d’honoraires et le surenchérissement en terme de pratique de suppléments hôteliers.

Enfin, reste posé le problème des zones géographiques frontalières. Il semble indispensable d’avoir une concertation avec les autres régions afin de répartir au mieux l’offre de soins de ces zones charnières afin de répondre aux besoins sanitaires du plus grand nombre.

Ainsi pour les secteurs de l’Ouest du Gers dont le bassin affiché est la clinique privée des Chênes à Aire sur Adour mais dont la réalité est tout autant l’hôpital public de Mont de Marsan.

De même dans le secteur du Condomois et du Lectourois, l’attraction des établissements Agenais est prépondérante.

On retrouve ces préoccupations dans le nord du Lot, de Gourdon à Saint-Céré, proche de la Corrèze et des établissements brivistes ainsi que dans le Nord Aveyron, proche du Cantal et de l’offre de soins Aurillacoise.

La volonté du maintien d’une offre de proximité est un bon point avec ses limites de technicité et d’excellence, car les patients sont en demande  prioritaire de qualité de l’offre de soins.

A cet égard, la réalité des 33 pôles d’urgences devra être vérifiée. Ceux-ci ne sont pas comparables dans leur capacité de prise en charge d’un patient et la population n’est pas dupe. Ils ne pourront faire preuve d’efficacité que si les moyens en dotations d’équipement d’imagerie médicale et de personnels suivent.

L’ARS en a-t-elle la volonté ?

On évoque le terme de taux de fuite des usagers du système de soins des départements périphériques vers l’agglomération toulousaine, qu’en est-il ?

L’expression « taux de fuite » est un terme souvent employé dans la grande distribution lorsque les consommateurs d’une zone géographique déterminée vont fréquenter une zone de chalandise extérieure.

En la matière, chaque patient est en droit d’attendre le meilleur en termes d’efficience médicale et de prise en charge. A défaut d’indication de qualité ou pour des raisons médicales, il se tourne vers des grands établissements dont la fréquence de pratique d’actes et la présence de gros plateaux techniques sont des garanties.

La question se pose sur des actes qui auraient pu se faire au plan local et qui prive les établissements publics périphériques d’une activité de chirurgie nécessaire au maintien de l’offre de soins sur un territoire.

La réponse ne relève pas du seul découpage administratif mais d’une meilleure appropriation de la qualité par les établissements et d’un travail de transparence et d’information auprès des professionnels de santé de premier niveau (médecins traitants) et de la population.

La carte sanitaire n’est pas une carte scolaire avec ses contraintes d’obligation.

Quel impact auront les recompositions hospitalières ?

Le premier impact se traduira par une coopération entre les établissements publics de santé. Dans ce domaine, le volontarisme affiché relève de la responsabilité collective, l’efficience des établissements étant le vecteur de leur maintien mais surtout de leur développement. Sur ce dernier point, plus qu’une réelle ambition prospective, c’est  la rationalisation des moyens qui semble prévaloir.

Le deuxième impact, sera la coopération entre établissement public et privé.

Sous couvert d’efficience, nous pouvons craindre qu’à l’avenir, la complémentarité souhaitée ne soit qu’une répartition et une segmentation des disciplines médicales, fléchant ainsi les patients vers des secteurs privés à dépassement d’honoraires et à surenchérissement hôtelier. La conséquence sera forcément une plus grande difficulté d’accès aux soins renforçant les inégalités.

Que propose la Mutualité Française ?

Il faut une ambition régionale pour l’hôpital public, complétée par un secteur privé qui prendrait des engagements en terme d’accessibilité financière ; engagements auxquels seraient soumises la pérennité des autorisations et l’ouverture de nouveaux services.

Le succès de l’organisation régionale de l’offre de soins passera par une meilleure lisibilité pour les usagers :

  • parcours de soins reposant sur une orientation locale, départementale et régionale,
  • indicateurs de qualité des établissements,
  • pratiques tarifaires régulées,
  • information des professionnels de santé libéraux et des usagers.

La santé reste une prérogative de l’Etat inscrite dans la constitution française comme un devoir de protection de la population, la mutualité souhaite une organisation sanitaire à la hauteur de cette mission régalienne.