Etats généraux de la santé visuelle : place au débat citoyen

Les premiers Etats généraux de la santé visuelle sont organisés par la Mutualité Française le 15 décembre à la Maison de la Mutualité, à Paris. Tous les acteurs de la filière participent à ce débat citoyen avec un objectif commun : améliorer l’accès à la santé visuelle pour tous.

Ophtalmologues, opticiens, orthoptistes, optométristes, mais aussi représentants de l’industrie de l’optique et de la distribution, ou encore institutionnels du secteur et représentants d’usagers : tous ces acteurs sont attendus aux premiers Etats généraux de la santé visuelle organisés par la Mutualité Française, le 15 décembre, à la Maison de la Mutualité (Paris). Objectif de cette journée d’échanges : faire émerger un débat citoyen pour améliorer ensemble la prise en charge des patients.

« La santé visuelle n’est pas une question de santé tout à fait comme les autres car elle concerne presque tout le monde, ou presque, nous indique Franck von Lennep, directeur de la direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (Drees). Plus de 7 adultes sur 10 portent des lunettes, et au-delà de 50 ans, plus de 95% des personnes déclarent un trouble visuel. »

« Un enjeu de santé publique »

« C’est un enjeu de santé publique, en particulier en matière d’accès aux soins », lance-t-il. Si 37 millions de personnes ont des lunettes, de nombreuses inégalités persistent encore aujourd’hui. « Parmi ceux qui déclarent porter des lunettes ou des lentilles de contact, nos enquêtes révèlent une part plus importante de patients disposant de hauts revenus, généralement mieux équipés », précise Franck von Lennep.

« Nous retrouvons ce gradient social dans le taux de renoncement aux soins optiques pour raisons financières, qui touche entre 10 et 15% de la population, constate-t-il. Ce renoncement se situe effectivement aux alentours de 15% pour les bas revenus, mais il décroît fortement pour les hauts revenus, avec un taux de 5% environ, voire moins. »

Cela s’explique notamment par le fait que les ménages aisés souscrivent plus souvent à une complémentaire santé, et généralement avec de meilleures garanties. A l’inverse, ne pas avoir de couverture complémentaire santé – ce qui est davantage le cas des foyers à faibles revenus – a un impact fort sur le renoncement aux soins, développe cet expert. En effet, les complémentaires santé sont le principal financeur des soins optiques, avec 72% de prise en charge en 2013, contre 5% pour l’assurance maladie, indique le rapport du cabinet conseil Astérès sur l’état des lieux de la santé visuelle.

Prix élevés des montures, dépassements d’honoraires

Les prix élevés des montures peuvent également constituer un frein. « Fortement atomisé, le secteur des opticiens-lunetiers subit une inefficience collective : diluée sur un grand nombre d’offreurs, la demande se traduit par une moyenne de seulement trois ventes de lunettes par jour ouvré et par magasin, ce qui oblige chaque établissement à pratiquer des prix élevés pour demeurer rentable », regrette le rapport Astérès. Pour mieux maîtriser ces prix et réduire les restes à charge des patients, la Mutualité Française propose un réseau optique, rappelle-t-on.

En amont de l’achat de lunettes ou de lentilles, d’autres coûts peuvent contraindre les usagers. Ces derniers sont régulièrement confrontés aux dépassements d’honoraires des ophtalmologues qui exercent majoritairement en secteur 2 : 56% en 2014 et 66% pour les nouvelles installations. En moyenne, ils dépassent de 57% les tarifs opposables servant de base de remboursement à la Sécurité sociale.

Ainsi, « moins de 10% des ophtalmologistes ont signé le contrat d’accès aux soins, qui permettrait un meilleur remboursement de leurs patients », souligne le rapport Voynet sur la restructuration de la filière visuelle. « Le dispositif s’est avéré peu attractif pour des praticiens dont le taux de dépassement excède largement celui fixé dans le contrat et dont les revenus moyens sont, en secteur 2, parmi les plus élevés des spécialités médicales », poursuit ce rapport publié en juillet 2015 par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas). 

Des rendez-vous lointains

Autre problème majeur : l’allongement des délais de rendez-vous pour consulter un ophtalmologiste, soit soixante jours. Il faut cependant ajouter trente-trois jours de plus pour une consultation sans dépassements d’honoraires en secteur 1. Ces délais peuvent même « atteindre trois, six ou neuf mois dans certaines villes, voire excéder un an en Picardie ou Franche-Comté », déplore le rapport Voynet.

Les patients souffrant de pathologies chroniques, comme la rétinopathie ou la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), sont globalement bien suivis car ils bénéficient de rendez-vous programmés. Par contre, la situation est jugée « critique » pour les personnes qui consultent occasionnellement. Quant à ceux qui souhaitent voir un ophtalmologiste pour la première fois, ils obtiennent « un rendez-vous lointain… ou pas de rendez-vous du tout », fustige l’Igas.

Et ces délais ne devraient pas s’améliorer dans l’immédiat. La France comptait 4.774 ophtalmologues en 2013. La densité départementale moyenne est de 7,7 praticiens pour 100.000 habitants, un chiffre « stable au cours des dix dernières années » cachant toutefois de nombreuses disparités : certains départements comme le Cher ou la Haute-Saône affichent une densité beaucoup plus basse, autour de 3% seulement.

Par ailleurs, « 68,5% des ophtalmologistes ont plus de 50 ans… et partiront donc avant 2030 », rappelle l’Igas. Selon les prévisions du Syndicat national des ophtalmologues de France (Snof), les départs en retraite représenteraient 72% entre 2008 et 2025. En parallèle, « la demande de soins visuels devrait continuer de se renforcer sous l’effet de la pression démographique (croissance et vieillissement de la population), prévient le rapport Astérès. L’Insee anticipe ainsi que les plus de 59 ans pourraient représenter 29% de la population dans dix ans, contre 24% actuellement. »

Depuis quelques années, plusieurs mesures ont été prises pour inverser cette tendance générale. En plus du relèvement du nombre d’ophtalmologistes formés, des délégations de tâches ont été expérimentées vers les orthoptistes, des paramédicaux spécialisés dans la rééducation des yeux. Enfin, les opticiens sont autorisés à renouveler et adapter les lunettes de leurs clients. Pour l’heure, ces avancées n’ont pas suffi à régler toutes les difficultés rencontrées en matière de santé visuelle. Le débat est ouvert pour trouver des pistes d’avenir !

Suivez les débats en direct sur www.mutualite.fr

Les premiers Etats généraux de la santé visuelle se déroulent le 15 décembre à la Maison de la Mutualité, à Paris. Les personnes qui ne peuvent pas assister à cette journée pourront néanmoins suivre l’intégralité des débats en direct sur notre site Internet www.mutualite.fr et participer aux échanges sur Twitter (@mutualite_fr).

Cet événement, qui constitue une première, permettra à tous les acteurs de la filière (professionnels de santé, industriels, usagers, etc) d’échanger entre eux mais aussi avec les personnalités invitées (médecins, experts, sociologue, économiste, etc).

Après l’allocution d’ouverture du président de la Mutualité Française, Etienne Caniard, une étude intitulée « Bien voir : les enjeux de la santé visuelle » sera présentée. Deux tables rondes porteront respectivement sur l’accès à la santé visuelle et sur l’innovation dans cette filière. Les discussions donneront lieu des propositions d’amélioration présentées en janvier 2016.

Consulter l’intégralité du programme de la journée