Alzheimer : un Café des proches pour épauler les aidants
- Actualité
- 25 avril 2013
Au fil de l’évolution de la maladie, les aidants d’un proche atteint de la maladie d’Alzheimer sont de plus en plus accaparés, et, par contrecoup, isolés. Ils sont mobilisés sur tous les fronts : organiser la vie quotidienne, stimuler leur proche, créer un univers sécurisant, trouver les bons professionnels et des soutiens financiers. Pour les accompagner, la Mutualité Française Languedoc-Roussillon organise chaque mois, à Bompas, près de Perpignan, un Café des proches.
« Voilà mon cher et tendre. » Marie-Thérèse – Maïté pour ses proches – nous présente son mari, Jules. Depuis cinq ans, cette femme est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Ce jeudi 4 avril, ce couple installé depuis trois ans à Sainte-Marie-la-Mer, près de Perpignan (Pyrénées-Orientales), nous reçoit ainsi que Françoise Bernard, responsable de l’activité promotion de la santé de la. Mutualité Française Languedoc-Roussillon. « Je suis son ”Jules” », sourit notre hôte en réponse à la remarque de son épouse. A plusieurs reprises, il a participé au Café des proches mis en place pour les aidants de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et créé en avril 2011 par cette union régionale (lire encadré ci-contre).
« Elle a beaucoup perdu depuis un an. C’est comme ça, la maladie. Il ne faut pas se voiler la face », explique-t-il. « Ça fait quatre ans que je m’en occupe. Je ne la quitte pas d’une semelle ! », poursuit cet ancien artisan, âgé de 79 ans. Autrefois, le couple tenait une station-service, à une trentaine de kilomètres de Toulouse. « Elle écoutait beaucoup les clients », se souvient-il. Aujourd’hui, une infirmière passe le matin et le soir, pour des soins de nursing et un kinésithérapeute intervient une fois par semaine.
Pas de blouses blanches
Une auxiliaire de vie, Silène, prend le relais cinq matins par semaine pour le petit-déjeuner, des soins de bien-être, un peu de ménage, et surtout pour parler avec Marie-Thérèse. Silène apprécie son travail. « Ça se passe bien, je suis tranquille », témoigne Jules. Pendant ce temps, il peut effectuer quelques courses, acheter son journal ou accomplir des démarches administratives.
Jules a organisé ces prises en charge au fil des nouveaux besoins de son épouse. Il veille à ce qu’aucun de ces professionnels ne porte une blouse blanche. Ce vêtement, caractéristique du milieu médical, est source d’une grande inquiétude pour Marie-Thérèse depuis sa dernière hospitalisation.
Au fil du temps, la maladie gagne du terrain et, avec elle, les pertes cognitives. « Quand je prépare le repas, j’essaie de l’associer. Mais c’est de plus en plus difficile », raconte-t-il. Pour lui, comme pour les participants au Café des proches, il faut souvent faire face à des situations nouvelles. « J’improvise au coup par coup, explique Jules. L’important, c’est de s’organiser. »
Depuis six mois, une journée par semaine, il confie sa femme au centre d’accueil de jour (Cajou) de Bompas. « Ce sont mes grandes vacances ! », sourit-il. C’est cet accueil de jour, créé par la Mutualité Française Pyrénées-Orientales Ssam (Services de soins et d’accompagnement mutualistes), qui permet à Jules de participer au Café des proches.
« La participation au groupe est libre », explique Françoise Bernard. Après deux ans d’existence, il comprend un noyau d’habitués et des participants irréguliers, comme Jules. A chaque séance, ou presque, il intègre de nouveaux aidants. Il s’agit le plus souvent du conjoint, mais aussi de fils ou filles, ou encore de belles-filles de personnes malades. Certains aidants continuent à participer après le décès de leur conjoint, ou après son admission dans un établissement spécialisé.
Cet après-midi du 4 avril, Emilienne se confie aux participants du Café des proches. « Il y a quinze jours, le médecin a diagnostiqué une infection urinaire chez mon mari. Avec une fièvre à 40, il s’est alité. C’est alors que le médecin m’a suggéré de commander un lit médicalisé », explique-t-elle. Sa voix, jusqu’alors posée, se fêle. La décision a été dure à prendre.
Emus, les participants écoutent intensément, à l’instar de Jules. Lui-même veut repousser le plus possible l’entrée dans sa maison de ce dispositif qui symbolise l’entrée dans une phase avancée de la maladie. C’est pour cela que, chaque soir, il aide sa femme à accéder à sa chambre, à l’étage. « Je me fais un point d’honneur de la garder le plus mobile possible. » De plus, « elle est contente quand je suis à côté d’elle », confie-t-il. Emilienne, pour sa part, témoigne qu’elle « vit au jour le jour ». « Il ne faut pas trop penser à demain, c’est se mettre trop de choses mauvaises en tête. »
Installés autour d’une table, les participants distribuent les assiettes. Quelques habituées ont préparé des gâteaux et apporté les boissons. Les propos s’échangent avec vivacité, au fil des sujets de préoccupation des uns et des autres. Claude a sa montre en main : il prévient qu’il doit partir plus tôt car, pour la première fois, il a demandé à une voisine d’accueillir son épouse. Quelles aides a-t-il cherché ? Comment se passe la visite à l’accueil de jour, pour une future inscription ?, l’interrogent tour à tour plusieurs aidants, prêts à partager leurs expériences.
Soutien mutuel
Le dialogue se poursuit sur les comportements problématiques du proche malade, comme les fugues, l’agressivité, mais aussi des commandes intempestives sur des catalogues de vente par correspondance ou le désir de conduire une voiture. Les difficultés financières, les questions liées à la mise sous tutelle sont également abordées. Comment stimuler son proche, prendre soin de lui tout en faisant le deuil de la personne qu’il était avant ?
Le soutien mutuel que s’apportent les membres du groupe dépasse le cadre du Café des proches puisque Marguerite se souvient avoir reçu la visite des membres du groupe pendant son hospitalisation et après le décès de son mari malade. Michelle, qui rencontre de grandes difficultés à obtenir des informations fiables sur le dispositif de tutelle, est encouragée dans sa démarche par Florence Tachin, psychologue clinicienne, en lui montrant l’importance de cette information pour l’ensemble du groupe. « Quand vous aurez les informations, vous pourrez nous expliquer beaucoup de choses si quelqu’un rencontre un problème similaire. »
Florence Tachin est notamment la psychologue de l’équipe gérontologique mobile du centre hospitalier spécialisé de Thuir, dans les Pyrénées-Orientales. Elle encadre le Café des proches avec Françoise Bernard et la responsable du Cajou de Bompas. « Ce groupe de parole vise à permettre aux aidants de s’exprimer librement », explique-t-elle. « Ils viennent chercher des informations, mais ce n’est pas leur seul objectif », soutient cette psychologue. « C’est aussi un lieu convivial, en rupture avec leur vie quotidienne », ajoute cette professionnelle de santé, volontairement en retrait pendant les débats.
Prise en charge non médicamenteuse
Le Café des proches permet aussi aux aidants d’exprimer leurs vœux pour améliorer le quotidien des personnes malades. Ainsi, Jules aimerait qu’il existe dans toutes les grandes villes « des centres avec des professionnels de santé capables de soigner et de dialoguer dans la dignité avec ces personnes ». D’expérience, il sait que certains médecins sont à l’écoute. D’autres ne font pas de différence avec leurs autres patients, « alors que ma femme ne peut plus dire ce qu’elle ressent ».
Il cherche aussi un établissement capable de l’accueillir dans de bonnes conditions, quand il ne pourra plus s’occuper d’elle. Des échanges sur un établissement qui développe une prise en charge non médicamenteuse retiennent son attention. « Où se trouve-t-il ? », se renseigne Jules. Il pense déjà à l’avenir…
A Bompas, Milène Leroy
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Les aidants participent une fois par mois au Café des proches
Accueilli par la municipalité de Bompas (Pyrénées-Orientales) dans les locaux du Point accueil solidarité, le Café des proches, créé par la Mutualité Française Languedoc-Roussillon, réunit une fois par mois les aidants de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Une psychologue, la responsable de la prévention et la directrice du centre d’accueil de jour (Cajou) animent ces rencontres. Outre cette action, la Mutualité Française Languedoc-Roussillon propose également aux aidants de participer à un atelier d’activité physique. Il vise à prévenir l’isolement de l’aidant, à lui proposer des périodes de répit et un soutien physique et moral, indique ce groupement. Une étude va être lancée avec un laboratoire de recherche afin d’évaluer l’impact de ces initiatives sur la santé des aidants. Ces actions sont conduites dans chacun des départements de la région.